Notre lettre 821 publiée le 8 septembre 2021

PELERINAGE DE COVADONGA

LA TRADITION S'INSTALLE VISIBLEMENT EN ESPAGNE AU MOMENT OU LE PAPE PUBLIE "TRADITIONIS CUSTODES"

Cet été s’est déroulé pour la première fois, du 24 au 26 juillet 2021, le pèlerinage traditionnel de Nuestra Señora  de la Cristianidad, de la cathédrale d’Oviedo au sanctuaire de Covadonga dans des circonstances assez exceptionnelles. En effet, celui-ci s’est déroulé moins de 10 jours après la publication par le pape François de l’horrible motu proprio Traditionis custodes. Mais manifestement cela n’a pas refroidi nos amis espagnols qui, par beaucoup d’aspects, semblent avoir été revigorés par cette situation. Saurons-nous être à leur hauteur au moment où certains de nos pasteurs essayent - souvent en catimini - d’entreprendre de méchantes actions et de détruire la paix liturgique naissante qu’avait mise en œuvre le grand pape Benoit avec sa promulgation, le 7 juillet 2007, de son extraordinaire et courageux motu proprio Summorum Pontificum ?



Paix Liturgique – Cher João vous avez participé au mois de juillet au premier pèlerinage de Covadonga. Pouvez-vous nous raconter ce que vous y avez vu ?

João Silveira – J’ai assisté et participé aux premiers pas d’un évènement extraordinaire, tout à fait dans l’esprit de ce que j’ai déjà vécu plusieurs fois à Chartres.


Paix Liturgique – Pouvez-vous nous raconter la Genèse de cette nouvelle aventure ?

João Silveira – Je vais essayer : a l'origine il y a quelques jeunes espagnols qui avaient participé plusieurs fois au pèlerinage de Notre-Dame de Chrétienté entre Paris et Chartres et qui ont été enthousiasmés par les richesses spirituelles et missionnaires qu’ils y ont découvert. C’est ainsi que Diana, une jeune infirmière de Navarre, a eu l’idée de mettre en œuvre  un pèlerinage de ce type en Espagne pour en faire bénéficier les jeunes de son pays.  


Paix Liturgique – Comment a-t-elle fait ?

João Silveira – Elle a parlé de son idée à des amis espagnols de toutes les régions, certains ayant déjà participé au pèlerinage de Chartres, d’autres n’en ayant pas entendu parlé. Mais tous furent enthousiasmés par cette idée et décidèrent de lancer en Espagne un pèlerinage similaire à celui qu’elle avait vécu en France, d'où  le nom de « Nuestra Señora de la Cristianidad” qu’ils donnèrent à ce projet.


Paix Liturgique – Mais ils ne projetaient pas de pérégriner vers Chartres ?

João Silveira – Bien sur que non mais ils choisirent d’organiser leur pèlerinage vers Covadonga, dans les Asturies, au nord de l'Espagne.



Paix Liturgique – Et pourquoi Covadonga ?

João Silveira -  Je vois par cette question que vous n’êtes pas espagnol ! Vous savez qu’au début du VIIIème siècle l’Espagne a été envahie par les musulmans. Or, c’est à Covadonga, à l’été 722, que le roi Pelage, inspiré par la Vierge Marie, entama par une belle victoire que l’on appelle la Reconquista, c’est à dire la reconquête de l’Espagne qui vous le savez se terminera seulement en 1492 par la chute de Grenade et le départ des envahisseurs musulmans. Par ce choix d’aller pérégriner vers Covadonga, les organisateurs ont voulu développer l'idée que ce pèlerinage devrait aussi marquer le début de la reconquête spirituelle de la société dans laquelle ils vivent, fortement sécularisée, pour le retour de la société chrétienne en Espagne et en Europe.


Paix Liturgique – Et pourquoi ce pèlerinage en plein été ?

João Silveira - La date du pèlerinage n'a pas été choisie par hasard car celui-ci devait se dérouler autour du 25 juillet qui est la fête de Saint-Jacques le saint patron de l'Espagne, l’ apôtre que l’on surnomme « Matamouros », car selon la tradition ibérique il serait apparu plusieurs fois lors des combats de la Reconquista, dans les rangs des chrétiens, se battant pour la libération de leur pays.


Paix Liturgique – Mais Saint Jacques ne fut pas le seul patron du pèlerinage ?

João Silveira – Effectivement, car profitant de l’année qui lui a été consacré, c’est Saint Joseph qui fut déclaré Patron du pèlerinage 2021, sans oublier bien entendu Notre-Dame de Covadonga, connue chez nous sous le nom de « Santina » dont la statue marcha pendant les trois jours à la tête du pèlerinage.


Paix Liturgique – Est-ce que le lancement de ce projet fut aisé ?

João Silveira – Comme elle n’avait l’expérience de cela en Espagne Diana et ses amis sont partis un peu à l’aveuglette ne sachant pas très bien quelle serait l’ampleur de la réponse espagnole à cette nouvelle aventure spirituelle.



Paix Liturgique – Et en plus il y a les problèmes liés au Covid

João Silveira – Tout à fait, des problèmes qui allaient compliquer les choses car dans la situation sanitaire actuelle les autorités étaient régissantes à laisser se dérouler une manifestation potentiellement importante.


Paix Liturgique – Comment ont fait les organisateurs ?

João Silveira – Avant de demander l'autorisation des autorités et pour mesurer l’intérêt des jeunes espagnols pour leur initiative, les organisateurs ont demandé via internet et les réseaux sociaux aux personnes intéressées par ce projet de se préinscrire : le résultat fut extraordinaire !


Paix Liturgique – C’est à dire ?

João Silveira – Un résultat incroyable car ils ont eu des centaines et des centaines de préinscriptions... De telle sorte que, lors de l'ouverture des inscriptions, ils ont été contraints de limiter le nombre des pèlerins qui autrement auraient été encore plus nombreux.


Paix Liturgique – Et il y eu aussi la promulgation de Taditionis Custodes...

João Silveira – Vous pouvez le dire car l'organisation a été prise au dépourvu par la promulgation, le 16 juillet, c’est à dire à 8 jours du pèlerinage, du motu proprio Traditionis Custodes. Cela a eu des conséquences immédiates.


Paix Liturgique – Car les autorités épiscopales ont réagi ?

João Silveira – En effet, car à peine 5 jours plus tard, le 21 juillet, l'archevêque d'Oviedo - Mgr. Jesús Sanz Montes - l’évêque du diocèse où devait se dérouler le pèlerinage, a publié une déclaration dans laquelle il a déclaré :


1. Il n'y a aucun problème à célébrer le pèlerinage prévu d'Oviedo à Covadonga aux jours indiqués par l'Organisation et avec les raisons qui restent valables et gratifiantes, en priant pour  la Sainte Église, le Pape François et notre Patrie d'Espagne.

2. Compte tenu du Motu Proprio Traditionis custodes contraignant, je me sens obligé de ne pas autoriser la célébration de la Sainte Messe selon le Vetus Ordo dans nos églises paroissiales et autres églises diocésains, tels que la cathédrale et la basilique de Covadonga. Il n'y a cependant aucun problème à y célébrer la Sainte Messe selon l'ordre Liturgique établi par saint Paul VI, avec la possibilité de célébrer en latin et ad orientem.

3. En dehors des églises, les prêtres peuvent célébrer la sainte messe en plein air, en observant la discipline et les rubriques Liturgiques du Vetus ordo, à condition d'avoir l'autorisation de leurs évêques correspondants (Cust. Trad. Art. 5).

4. Dans nos églises du territoire diocésain d'Oviedo, il n'y aura aucune difficulté à avoir d'autres types de célébrations telles que l'adoration du Saint-Sacrement, la réception du Sacrement de Pénitence, la récitation du Saint Rosaire, etc.



Paix Liturgique – Ce qui voulait dire que vous ne pouviez-plus célébrer les messes du pèlerinage dans des églises ?

João Silveira – Tout à fait ! Cela signifiait que pour toutes le messes prévues les églises du diocèse nous étaient fermées.


Paix Liturgique – Comment ont réagi les organisateurs ?

João Silveira – Disons d’abord qu’il n’a jamais été question pour eux de renoncer au pèlerinage. Il leur a fallu, en moins d’une semaine, trouver des solutions alternatives pour pouvoir assurer les célébrations à l’extérieur.


Paix Liturgique – Mais le pèlerinage se déroulant en été...

João Silveira – Oui et dans une région montagneuse où de fortes pluies étaient annoncées pour le vendredi, jour du début du pèlerinage, et pour le samedi. Mais avec l’aide de Saint-Joseph, ils ont fait face et trouvé des solutions.


Paix Liturgique – Alors comment s’est déroulé le pèlerinage ?

João Silveira – Le pèlerinage démarrait devant la cathédrale d'Oviedo où se trouve le Suaire qui était enroulé autour de la tête de Notre Seigneur Jésus-Christ lorsqu'il a été enterré. Dans la cathédrale, la statue  de la Vierge – la Santina – qui ouvrirait le pèlerinage a été bénie, ainsi que les pèlerins.

Ainsi ont commencé les 90 kilomètres qui séparent cette ville du Sanctuaire de Covadonga. Le chemin est assez difficile, à travers les montagnes, ce qui permet d'admirer des paysages superbes mais avec une succession de côtes et de descentes assez “physiques”.

A la fin de ce premier jour, la messe solennelle de saint Joseph a été célébrée en plein air par trois des prêtres présents : un prêtre diocésain, un second de l'Institut du Christ-Roi Souverain Prêtre et le troisième de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pierre.



Paix Liturgique – Et malgré sa célébration en extérieur vous avez pu conserver une belle solennité ?

João Silveira – Tout à fait : les ornements et l’installation de l’autel ont contribué au caractère sacré de cette cérémonie à El Remedio, en pleine campagne. Les pèlerins ont suivi la messe avec tout le respect qui leur est dû, dans le silence et dans un esprit de prière exemplaire. De part et d'autre, des autels étaient dressés pour que chaque prêtre présent célèbre sa messe basse.

Après l'installation des tentes et le dîner, les organisateurs proposèrent une adoration du Saint-Sacrement pendant une heure. Bien que la journée ait commencé tôt et ait été assez fatigante, la plupart des pèlerins ont terminé la journée en adorant le Dieu caché.


Paix Liturgique – Ensuite ?

João Silveira – Les deux jours suivants sont apparus comme une sorte de routine par rapport à la première journée. Il convient de noter que le deuxième jour, la messe solennelle de l’Apôtre Saint-Jacques, saint patron de l'Espagne, a été célébrée à Sevares.


Paix Liturgique – Et tout cela dans la bonne humeur...

João Silveira – Tout à fait. Le pèlerinage, avec ses efforts de pénitence, a été parcouru par des centaines de pèlerins dans une atmosphère de prière – à savoir le chapelet – et de joie constante, vraie joie chrétienne. Les habitants des villages que traversait le pèlerinage sont descendus dans la rue pour voir qui étaient ces gens. Et qu'ont-ils vu ? Des pèlerins, pour la plupart jeunes, portant la croix du Christ, portant des banderoles et arborant des drapeaux rappelant l'époque où ces places ont été conquises au christianisme.


Paix Liturgique – Avec un peu d’animosité contre les autorités ?

João Silveira – Pas du tout et il est important de noter que, malgré les déboires de dernière minute, aucune plainte ou accusation des organisateurs ou des pèlerins contre l'évêque local n'a été entendue. Et la même chose peut être dite pour le Pape. La publication du motu proprio était récente et avait certainement choqué beaucoup de ceux qui étaient présents. Cependant, malgré l'étonnement, aucun manque de charité envers le Saint-Père n'a été entendu, seulement des prières pour sa personne et pour l'Eglise.



Paix Liturgique –  Mais combien étiez-vous exactement ?

João Silveira – Le pèlerinage a réuni près de 500 pèlerins. Que c'est magnifique pour la première édition ! 


Paix Liturgique – Les pèlerins ont formé une seule colonne ?

João Silveira – Non, comme à Chartres il y avait un pèlerinage plus physique et aussi un pèlerinage plus adapté aux rythme des familles où ils étaient environ 120. Par ailleurs des pèlerins anges gardiens, fidèles restant à leurs domicile ou communautés religieuses amies, ont veillé et prié pour le pèlerinage pendant les 3 jours.


Paix Liturgique – Vous marchiez en Chapitres ?

João Silveira – Bien sur ! Il y avait 18 chapitres espagnols et un chapitre portugais.


Paix Liturgique – Il n’y avait pas que des pèlerins espagnols ?

João Silveira – Bien évidement la grande majorité des pèlerins étaient espagnols mais il y avait un bon nombre de pèlerins étrangers et outre les  portugais, il y avait des français, des colombiens, des nord-américains, des roumains, des argentins, des italiens, des suédois, des allemands, des uruguayens et même des péruviens. Une bonne illustration du caractère universel de l’attrait pour la liturgie traditionnelle.


Paix Liturgique – Et aussi des clercs ?

João Silveira – Si le pèlerinage était d’abord un pèlerinage de laïcs, organisé par des laïcs, il y avait cependant de nombreux clercs car en tout 27 prêtres – en majorité diocésains – participèrent au pèlerinage accompagnés de 7 séminaristes et aussi d’une religieuse !



Paix Liturgique –  Mais qui étaient les pèlerins ?

João Silveira – Le plus impressionnant était peut-être la normalité des gens. Ce n'était pas un groupe de gens bizarres ou haineux, mais des gens normaux qui aiment la Messe Traditionnelle – avec toute la Tradition de l'Église – et qui essaient d'être des saints. Ce témoignage était remarquable pour ceux qui les croisaient et aussi pour ceux qui marchaient, qui voyaient ce qui était à leurs côtés, qui n'avaient peut-être jamais connu jusque là quelqu'un qui les aidaient à se rapprocher de Dieu et de sa Mère Marie.


Paix Liturgique – Mais les pèlerins étaient-ils des "tradis" ?

João Silveira – Il est important de dire que de nombreux pèlerins se sont inscrits sans jamais avoir assisté à la messe traditionnelle. C'est lors du pèlerinage qu'ils ont eu cette grâce pour la première fois... et pour la deuxième et la troisième. C'était magnifique. Ils étaient très impressionnés par le caractère sacré et la beauté de la liturgie. Beaucoup ont pu prier pendant la messe comme jamais auparavant. De retour chez eux, ils voudront avoir la messe régulièrement pour eux-mêmes et leurs familles.


Paix Liturgique – Etait-ce la même chose pour les prêtres ?

João Silveira – Parmi les prêtres présents, certains ont célébré leur première messe traditionnelle durant le pèlerinage... et la deuxième et la troisième. Ils ont également été impressionnés de l'impact de cette liturgie sur la manière dont le Saint Sacrifice de l'autel est offert. D'autres prêtres, l'ayant déjà célébrée, ou le faisant pendant les jours de “congés”, ont pu, profitant du pèlerinage, le faire 3 jours de suite. Tous ont exprimé leur regret de ne pouvoir le faire régulièrement dans la vie quotidienne de leurs paroisses. Ce qui est certain c'est que, sans aucun doute, la messe traditionnelle sera plus présente dans leur vie après ce pèlerinage.


Paix Liturgique – Un vrai pèlerinage missionnaire...

João Silveira – Plus qu'un simple pèlerinage, il est important de souligner qu'il s'agissait du premier événement traditionnel en Espagne, depuis 1970. Il est vrai que, surtout ces dernières années, d'autres initiatives ont eu lieu sur le territoire espagnol, mais presque toutes au niveau local et sans comparaison avec l'impact de ce pèlerinage. Il a réuni des personnes de tout le pays et nous pouvons dire avec certitude qu'après cela, le désir de développement de la messe traditionnelle en Espagne s'intensifiera beaucoup.



Paix Liturgique – Pour conclure ?

João Silveira – Le pèlerinage à Covadonga a montré à l'Espagne et au monde que, même après le motu proprio Traditionis Custodes, les fidèles qui aiment la messe traditionnelle n'ont aucune raison de se cacher. Ce ne sont que des catholiques, rien de plus mais rien de moins. Il ne peut pas être mauvais de vouloir prier comme l'Église l'a fait pendant la plus grande partie de son histoire. Il est impossible de considérer que cela favorise le péché et la division.

L'unité de l'Église ne peut résulter que de l'unité dans la Foi, et c'était le cas durant ces 3 jours de marche, comme c'est le cas dans de plus en plus d'endroits à travers le Monde où la Liturgie Traditionnelle est célébrée pour rapprocher les gens du Ciel.


Paix Liturgique – Donc le pèlerinage se déroulera à nouveau en 2022 ?

João Silveira – Si Dieu le veut ! La question ne se pose pas pour les organisateurs et les pèlerins qui partirons de grand cœur l’an prochain d’Oviedo à Covadonga encore plus nombreux et déterminés pour un second pèlerinage de "Cristianidad”.

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